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En Turquie, le passage du “reste à la maison” au “maintien à la maison”

Traduit par Nurcan Kılınç

Ceux qui s’attendaient à une annonce de confinement lors de l’élocution du Président Recep Tayyip Erdoğan, prononcé vendredi à des heures tardives, concernant les nouvelles mesures prises, ont eu tort. Cependant, comme l’a souligné le leader du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, le nombre de personne qui souhaite franchir le stade du “reste à la maison” au “maintien à la maison” se fait de plus en plus nombreux. 

Bonjour, bonne journée. Le Président Erdoğan a prononcé un communiqué de presse vendredi à 22h. Il s’est présenté devant le peuple ce qui a donné lieu à une attente évidemment. Auparavant, le Conseil scientifique s’était réuni, sous la présidence du ministre de la Santé, et une déclaration a été faite. Le conseil scientifique n’a répondu aux questions concernant les mesures. Mais entre-temps, le ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu, en a annoncé certaines, comme l’interdiction, le week-end notamment, de fréquenter les lieux de pique-niques, les plages, les forêts.

Puis le Président est apparu devant les caméras et nous nous sommes mis à l’écouter. Enfin, lorsqu’il est arrivé aux précautions, nous nous sommes demandés “Va-t-il prononcer le confinement ?” Il est évident qu’une grande attente existe dans le pays, entre ceux qui le veulent, ceux qui ne veulent pas, et ceux qui hésitent. Je ne pense pas que ce sujet soit débattu en long et en large en Turquie, car il n’y a en Turquie une sphère médiatique libre et pluraliste. Surtout en ce moment, où tout est annulé en raison de l’épidémie. Mais disons, qu’il y a une attente ou des débats concernant le confinement. 

Dernièrement, le maire de la métropole d’Istanbul Ekrem İmamoğlu a demandé au gouvernement de prononcer le confinement. Mais nous n’avons vu des partis et notamment le parti principal de l’opposition faire une telle demande. Par exemple, le Président du parti de l’Avenir, Ahmet Davutoğlu avait dit que le confinement pouvait être prononcé “si nécessaire”. Le confinement est la précaution difficile à prononcer, mais qui reste sur la table. C’est un peu comme le fusil de Tchekhov, si vous le voyez sur le mur, c’est qu’à un moment donné dans le film, le jeu ou l’histoire, il va tirer. Cette histoire a pris cette tournure.

C’est-à-dire qu’en Turquie, la question de confinement va arriver un jour, mais s’est transformée en une attente quant au jour ou elle va être prononcée. Évidemment que ceux qui sont pour le confinement – personnellement, en tant que citoyen, j’estime qu’une bonne chose – souhaitent que cela se produise au plus vite, afin de ne pas perdre plus de temps. Car la Turquie a déjà beaucoup de citoyens contaminés par le virus, et nombreuses personnes pensent qu’une mise en quarantaine, contrôlée par l’État, permettrait d’empêcher sa propagation – donc non pas volontairement, mais avec une décision de l’État. 

Oui, Ekrem İmamoğlu avait fait une déclaration. Vendredi, il était attendu que le Président Erdoğan le prononce, mais ça ne s’est pas fait. Samedi, le président du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, lors d’une déclaration, a publiquement réitéré l’appel. Il l’a appelé à “maintenir à la maison”, car selon lui le slogan “reste à la maison” à lui seul est insuffisant et il est désormais nécessaire de maintenir les gens chez eux. Un point important est soulevé par Kılıçdaroğlu : la décision du confinement peut être prise sans la proclamation de l’état d’urgence. À cet effet, il montre les pouvoirs accordés au gouvernement par la loi sur l’administration provinciale et la loi sur l’hygiène collective. De fait, la décision doit être prise au plus vite. 

Comme indiqué dans la déclaration de Kılıçdaroğlu, la première raison de l’indécision du pouvoir est économique. Car lorsque vous interdisez à la population de sortir dans les rues, vous devez répondre à leurs attentes économiques. Il doit le faire, sauf que cet État n’est pas de cet avis – c’est ce que nous avons pu observer jusqu’à présent. Les mesures annoncées jusqu’à présent, dans les préventions économiques notamment, nous avons vu que ça ne répondait aux besoins et attentes des employés.

S’ajoutent à cela les chômeurs, dont la majorité est des jeunes en Turquie. Et avec un confinement strict la situation des millions de personnes sera encore plus dégradée. Dans sa déclaration, Kılıçdaroğlu prétend que l’État peut répondre aux besoins. Sur ce point il rappelle les engagements de l’État pour un certain nombre d’accords notamment pour les traversées de pont – comme vous le savez, dans le système construit-exploite et revend l’État s’engage auprès des entreprises ou des constructeurs à leur verser une garantie en dollar, que les gens traversent le pont ou non – et dit qu’il pourra bien mettre fin à cela. L’autre point – que les municipalités soulignent – les municipalités attendent que l’État prenne la chose en main et trouve une solution pour le paiement des factures de la consommation de gaz et d’électricité des citoyens – sachant que ce sont les entreprises qui perçoivent l’essentiel de l’argent. Kılıçdaroğlu dit aussi des choses de similaire. 

En vue de la situation actuelle, je pense que l’hésitation du pouvoir à déclarer le confinement est économique. Car si une telle décision est prise, l’État devra verser une somme importante aux citoyens, aux entreprises – en particulier aux petites entreprises. Je ne sais si l’État est en mesure de le faire, mais son attitude démontre clairement qu’il ne veut faire des telles choses. 

L’autre sujet que j’ai abordé dans une émission précédente est la perception de la décision du confinement comme une faiblesse. Cela n’est pour ceux qui dirigent la Turquie – et notamment le Président Erdoğan – une situation très souhaitée. Le second point est, bien évidemment, qu’une décision de confinement obligatoire, intervienne avec une décision d’état d’urgence – Kılıçdaroğlu déclare que cela n’est pas nécessaire, mais c’est la première possibilité qui me vient à l’esprit – dans ce cas-là, les militaires et gendarmes seront impliqués dans l’affaire. Ce n’est pas ce qui est souhaité par le pouvoir. 

Si nous observons les différents exemples dans le monde, le confinement se pratique de différentes façons dans les différents pays, il n’y a de norme. Par exemple, on ne peut dire “les régimes considérés comme autoritaires apprécient et pratique le confinement”. Ce n’est pas ce qui s’est passé, par exemple aux Etats-Unis, Trump – qui n’est un autoritaire – ne l’a pas appliqué. Ou au Brésil, Bolsonaro est également contre le confinement. 

Le Premier ministre indien, un nom assez remarqué ces temps-ci, a décidé de mettre en œuvre le confinement pour une durée de trois semaines en Inde. On peut voir que des sanctions très sévères sont imposées contre ceux qui ne respectent la décision. De l’autre côté, lorsque nous regardons l’Europe, des pays comme la France et l’Italie – qui ne peuvent être définis comme des pays autoritaires – ont pris cette décision soit par mesure de précaution ou par obligation – l’Italie l’a plus prise par obligation et la France par précaution.

Nous savons que le confinement est également débattu en Allemagne, où les partis de droite défendent plus l’idée et les partis de gauche s’opposent. En conséquent soutenir ou s’opposer au confinement ne trouve pas de sens sur l’échiquier politique. En temps normal, le confinement (couvre-feu) est préféré par les mouvements politiques de droite – car il relève le côté oppressif de l’État – et les mouvements de gauche sont supposés d’y opposer. C’était le cas dans les exemples jusqu’à présent, dans les différents pays du monde. Mais ce n’est le cas en Turquie, car nous pouvons voir qu’ici le CHP le défend et l’AKP s’y oppose, c’est une situation intéressante. Combien de temps est-ce durable ? Comme je viens de le dire plutôt – tel le fusil de Tchekhov – le couvre-feu sera appliqué d’une manière ou d’une autre. Les chiffres s’accroissent de jour en jour, et selon une affirmation, les chiffres déclaraient par le ministre de la Santé, ne reflètent pas la réalité du coronavirus en Turquie. Outre que la dissimulation des chiffres, les experts pensent que tous les cas de coronavirus n’ont été identifiés, ou des milliers de personnes n’ont toujours pas été testées – un problème qui existe partout dans le monde. C’est-à-dire que le coronavirus prend, de jour en jour, plus d’ampleur en Turquie. Et afin de contrôler cela, les citoyens attentent des mesures complémentaires, des sanctions à la quarantaine volontaire, en plus de l’appel à “Rester chez soi”. 

Je pense que le pouvoir va le faire d’une façon, ce que nous avons pu voir durant ce processus du coronavirus est : les mesures ont toujours été prises en retard. Regardons la dernière déclaration du Président en date de vendredi, les voyages interurbains dépendent des autorisations du préfet, tous les vols internationaux sont suspendus, les promenades sont interdites. La décision de l’interdiction de fréquentation des plages etc, notamment les weekends à des fins de divertissement, pouvait être prise il y a 15 jours, trois semaines, ou encore il y a un mois. Peut-être qu’au premier abord l’intérêt de cette décision allait être critiqué donnant lieu à des interrogations telles “Pourquoi cela ? Quel est l’intérêt ?”. Cependant en prenant le risque et les réactions qui pouvaient en découler, cela aurait été un grand pas en avant.

Nous avons vu cela, lors de l’exemple de la prière du vendredi que j’ai cité hier. D’abord, malgré les maintes contestations et mises en garde le vendredi 13 mars, le Président des affaires culturels a dirigé la prière à Ankara et dans toute la Turquie en l’étalant. Mais ce même Président des affaires culturelles a annoncé trois jours plus tard que les prières collectives n’allaient plus avoir lieu. Comme dans l’affaire de la Oumra, nous n’allons jamais savoir les conséquences que la prière collective – prier à l’échelle nationale en raison d’un entêtement –  du vendredi 13 a pu engendrer.

La Turquie a certes pris des mesures sans trop tarder, par exemple l’arrêt des voyages vers la Chine, ou encore la fermeture des frontières avec l’Iran. Mais bon nombre de mesures pour une raison ou une autre – parfois pour des raisons économiques, ou pour des raisons de paraître, c’est-à-dire de réputation, d’autorité, une démonstration de puissance – n’ont pas été prise pensant qu’elles allaient porter atteinte. Puis au fur et à mesure nous pouvons voir qu’ils font marche arrière. Lorsque au début l’idée de confinement a été annoncée, ceux qui le concevait comme un “complot güleniste”, répondent aujourd’hui “nous voir si c’est possible”. Mais en attendant, qui sait ce que ces indécisions ont provoquées… Nous sommes face à un tel événement.

Finalement, à l’heure actuelle en termes de chiffre, la Turquie peut paraître en bon état comparée aux autres pays. Mais il me parait peu réaliste de dire que le nombre de morts en Turquie sera inférieur à celle de la Belgique ou des Pays-Bas. Les chiffres peuvent laisser penser cela, mais quand on regarde la chose en terme géographique, la Turquie accueille des milliers de touristes de toutes parts, ses citoyens se dispersent constamment aux quatre coins du monde. C’est également un pays qui accueille un nombre important de demandeurs d’asile, dont une partie vit dans de mauvaises conditions. De surcroît, c’est un pays qui a de sérieux problèmes économiques, dont une grande part de sa population vit sous le seuil de pauvreté. De fait, ces chiffres ne doivent en aucun cas nous satisfaire. 

Ces chiffres peuvent être le signe, des grands nombres à venir. Si nous ne voulons que cela se produise, il est nécessaire de faire les sacrifices et de veiller à ce que les mesures les plus sévères soient prises d’une manière ou d’une autre. À ce stade, l’État doit être plus déterminé. Mais ce faisant, l’État doit s’expliquer et agir avec toutes les organisations de la société civile, les autres partis politiques, et bien sûr, ses citoyens.

Jusqu’à présent, nous avons vu que : ceux qui dirigent le pays ont dans un premier temps hésité, ils ne se sont pas trop reproduits sur la scène médiatique. Puis, ils ont essayé de surmonter cet incident en mettant la responsabilité sur le dos des citoyens. Mais on ne peut aller loin avec cela. Selon ce qui est prétendu, en Turquie, l’appel “reste chez toi” est si efficace que selon les rumeurs 80 % du temps les personnes restent chez eux. J’ignore à quel point cela est vrai, mais mes propres observations à Istanbul démontrent l’efficacité. 

Cependant, cet événement n’est pas encore terminé, et dans le cas ou il s’éternise, les conséquences risque de s’aggraver. La Turquie n’est pas un pays aussi grand que l’Inde. L’Inde est un pays dont la population dépasse le milliard, mais même eux ont immédiatement déclaré un confinement pour une durée de trois semaines – alors que l’Inde n’avait pas connu jusqu’ici le coronavirus. Ils ont pris cette décision, car la Chine, frontalière et d’autres pays ont été fortement touchés par le virus. Je ne sais dans quelle mesure, ils parviennent à le réaliser, la difficulté est évidente, mais ils ont pris la décision.        

En ce sens, la Turquie peut bien sûr faire ce que l’Inde et la France ont fait. Kılıçdaroğlu déclare que cela peut se faire sans l’état d’urgence. S’il est possible de le faire sans ce serait l’idéal. En conséquent, je pense que ce n’est pas une mauvaise idée de compléter le slogan “reste à la maison” par “maintien à la maison”. C’est tout ce que j’ai à dire, bonne journée.   

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