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En Turquie : plus rien ne sera comme avant, sauf Erdoğan

Traduit par Nurcan Kılınç

Durant cette épidémie, le président Erdoğan a souvent dit : « Plus rien ne sera comme avant”, mais il ne semble pas disposé à initier un changement de sa part. Il se concentre toujours sur la polarisation des données, leur protection et leur accroissement.

Bonjour, bonne journée. Le slogan “plus rien ne sera comme avant” s’est répandu partout dans le monde après les attentats du 11 septembre 2001, et de nombreuses polémiques et débats ont surgi contre cette idée pré-reçue. Beaucoup de choses ont changé et certaines sont restées telles qu’elles. Mais la phrase “plus rien ne sera comme avant” est de plus en plus employée sur différents sujets, dans les différentes parties du monde, parfois en visant le monde en sa globalité, ou bien un pays, ou un secteur. Et ce propos devait être employé lors de cette épidémie, car c’est une crise majeure à laquelle nous ne nous y attendions pas – à la fois mondialement, et au sein de chaque État – en tant qu’État. 

Cette phrase a resurgi à l’ordre du jour, d’une façon assez sérieuse. C’est la première phrase que le Président Erdoğan a prononcée lors de sa première élocution, après la réunion avec les ministres en mi-mars, lorsque la Turquie commençait à faire face à la crise. Il a répété “plus rien ne sera comme avant”, et hier il a reprononcé cette phrase. 

Est-ce vraiment le cas, est-ce que beaucoup de chose vont réellement changer, et comment est-ce que ça va changer ? Ce sont des réels débats. Dès à présent, de nombreuses théories sont émises, des hypothèses sont émises, des suggestions sont faites, il y a un débat très sérieux. Personnellement, j’essaye de suivre ces débats de près, mais en prenant du recul, car il est encore très tôt pour en débattre. Cependant, je souhaite évoquer le papier de Dani Rodrik que j’ai lu aujourd’hui. Professeur d’économie politique à Harvard, renommé mondiale pour ses connaissances en macroéconomie, citoyen de la République Turque, et connu pour ses critiques contre le procès Balyoz, dont son beau-père était le suspect numéro 1. Dans ce papier qu’il a publié et que nous avons traduit à Medyascope, il a déclaré que “Personne ne doit s’attendre à ce que cette épidémie change les habitudes que nous avions”, une déclaration qui me parait réaliste, et un papier que je vous recommande de lire. Cet écrit nous montre en réalité ce que nous vivons actuellement en Turquie et ce que nous allons probablement vivre par la suite. 

En résumé voilà ce que disait Dani Rodrik : “Tout le monde dira que ces événements leur donnent raison. Ceux qui veulent plus de l’État et plus de biens publics penseront que la crise justifie leur volonté. Ils vont dire ‘si certains secteurs critiques étaient sous contrôle de l’État et non des entreprises privées, l’État serait mieux intervenue durant cette crise’. Et pareil pour les personnes suspicieuses face au pouvoir. Car nous pouvons voir que sur de nombreuses points les États ont été impuissants et ceux qui soutenait l’idée que l’État ne devait pas être très puissant vont déclarer aujourd’hui et demain ‘Vous avez donné tant de pouvoir à l’État, qu’il n’a pu vraiment l’utiliser quand il en avait le plus besoin’. Ceux qui défendent une gestion mondiale, affirmeront la nécessité une solide structure internationale de santé publique peut réduire les dommages causés par l’épidémie”. 

Oui, cela est important. Des personnes le disent dès à présent, et réclament : “C’est un événement mondial, et il faut lutter de façon mondiale avec, plus de mondialisation et plus de mondialisation organisée”. Mais ceux qui veulent un renforcement de l’État-nation, vont à partir des faiblesses des organisations mondiales comme l’Organisation mondiale de la santé, dire “voyez-vous que la mondialisation ne sert à rien”. Pourquoi je vous explique cela ? D’une part, car c’est une vision importante, et de l’autre, car ça nous reflète la situation de la Turquie. Lorsqu’on observe, il se passe bon nombre de choses en Turquie, et un grand événement se déroule. Est-ce que la Turquie a saisi l’ampleur de la situation ? À vrai dire j’en doute. 

Que ce soit ceux qui dirigent le pays, ou les citoyens ordinaires, il y a bien des personnes conscientes de la situation, mais je ne pense pas que l’événement soit saisi dans toutes ses dimensions. Le plus important est que, lorsque nous observons la chose après l’effet de choc, nous remarquons que les acteurs politiques continuent de maintenir leurs positions. C’est-à-dire que peu de nombre disent ou font semblant de dire “Jusqu’à présent, nous avons procédé comme suit, mais étant dans une période exceptionnelle, nous devons changer certains de nos comportements, nos attitudes, nos positions et rechercher le changement, innover” sans l’appliquer nécessairement.

Sur ce point, lorsque nous analysons le Président Recep Tayyip Erdoğan, qui déclare “plus rien ne sera comme avant”, et le souligne à chaque occasion, rien n’est bien diffèrent chez lui. Il est clair que jusqu’à présent, il n’a rien entrepris englobant toute la société, les différentes franges de la population, aux positions différentes. Il y a des choses dites, et des déclarations faites, mais tout ceci n’est rien de plus que de la rhétorique, des mots ! Lorsque nous observons les actions faites, Erdoğan ne fait rien afin de mobiliser les différentes franges de la population, et je ne pense pas que nous le verrons. Au lieu de cela, il coupe les campagnes d’aide lancées par les municipalités et propose comme alternative sa campagne par le biais de l’État, il en va de même pour les masques distribués par les municipalités dont l’État s’est approprié. Je ne vois pas grand-chose si ce n’est la tentative de restreindre les champs d’action des gouvernements locaux qui sont de l’opposition. À vrai dire, oui, des choses sont faites, des décisions sont prises, comme dernièrement avec la transformation de l’aéroport Atatürk en hôpital. Les décisions de restrictions des déplacements ou de confinement ont été prises en retard, mais il y a d’autres décisions. Sauf qu’aucune de ces décisions n’a été prises en concertation avec les représentants de tous des segments de la société. Erdoğan préfère toujours faire de la politique dans une Turquie divisée en différents quartiers, polarisée. Il ne change pas sur ce point, et ne semble pas changer. 

Mais le problème est que dans les événements passés il avait plus d’un ennemi. Il avait même décrit la crise économique comme un complot, une conspiration, en faisant référence à des puissances, sans donner de noms. Concernant la Syrie, il évoque les terroristes et d’autres groupes. En interne, ce sont les terroristes ou ceux qui les soutiennent, les Gülenistes et ceux qui les soutiennent. Il a décrit ces ennemis et les a ciblés. Avant les élections municipales du 31 mars, il a tenté d’inventer un ennemi, d’en faire une question de survie, entre les partisans du terrorisme et ceux qui luttent contre, mais n’a pas réussi. 

En réalité, c’est sûrement le problème majeur des leaders autoritaires, et certains l’écrivent, le disent ou le dessinent. Évidement que les leaders autoritaires se nourrissent des crises. Nous en avons l’exemple, en Turquie c’est lors des moments de crises, des attaques terroristes ou des opérations militaires que les dirigeants autoritaires se renforcent, car les personnes recherchent la sécurité en ces moments d’instabilité, et les voix d’opposition ne surgissent plus beaucoup. Dans chacune des crises, il y a un ou plusieurs ennemis, et s’il n’y en a, vous pouvez prétendre leur existence. Cependant, ce n’est le cas dans l’exemple du coronavirus. Vous ne pouvez l’arrêter, l’affronter avec les armes ou poursuivre en justice, car c’est un virus. Vous ne pouvez passer les menottes aux mains d’un virus, vous devez lutter d’une autre façon avec lui. Cette affaire a plusieurs dimensions. 

Durant ce processus, nous sommes confrontés à l’un des problèmes les plus importants qu’Erdoğan et de nombreux dirigeants comme lui rencontrent : l’ennemi est défini, mais ce n’est un ennemi habituel. Vous devez alors changer votre langage face à lui, il va falloir le changer. Comment vous allez y procéder ? Il y a là une énorme confusion, visible également en Turquie. Erdoğan essaye à nouveau petit à petit de mêler l’opposition, une partie de l’opposition dans l’affaire. Mais comment le fait-il ? Évidemment pas en disant “c’est eux qui ont apporté le virus dans le pays” ou “c’est eux qui accélèrent sa prolifération”. Comme cela n’est possible, il les accuse de nuire au bon déroulement des campagnes, etc., ou à partir des contenues publiés sur les réseaux sociaux il dépose des plaintes à leur égard, les met en garde à vue, les arrête. Il essaye d’acquérir de la force par ce biais, mais c’est un événement qui les dépasse tous.

Il était théoriquement possible qu’Erdoğan suive une autre stratégie. Qu’elle était-ce ? À partir de l’idée “plus rien ne sera comme avant”, il aurait pu s’inclure dans ce changement et déclarer à toute la société – je dis bien toute la société, et pas uniquement ceux qui votent pour lui ou l’appelle “Reis” – « c’est un événement très important. Je change, allons changeons tous ensemble, changeons comme on le peut. Car nous devons réunir nos forces” en théorie cela était faisable, mais en pratique non, les événements nous le démontrent.

C’est une occasion ratée pour lui, je ne pense pas que l’ancien Erdoğan, celui qui résiste au changement a un avenir politique encore long. Les élections municipales nous ont montré qu’Erdoğan n’a plus beaucoup d’espace qui vont lui permettre d’accroître la polarisation. 

Ce que fait Erdoğan, ses prises de positions sont des prises de risques énormes pour la Turquie. Là où l’on est, je ne pense pas qu’il fasse marche arrière. En conséquence, nous ne savons comment la Turquie va réussir à s’en sortir de cette situation, combien de temps cela va durer et quels en seront les dégâts. Quant à l’après, nous verrons une fois le moment venu. Nous ne sommes un pays où l’on peut dire “plus rien en sera comme avant”. Dans des conditions normales, nous sommes un pays où beaucoup de choses devraient changer. De toute manière, la Turquie est parvenue à atteindre un certain niveau par les crises puis s’est bloquée, peut-être que cet événement sera l’occasion d’une amélioration. 

De façon intéressante, Erdoğan conçoit ces événements comme une occasion, comme il l’a déclaré hier soir. Mais ne voit pas cela comme une occasion pour la Turquie de soigner ses blessures, de se relever, et de résoudre ses problèmes en ayant une vision pluraliste. Il prétend que la Turquie va se démarquer – il avait parlé d’une “ère turque” précédemment -, qu’elle est prête à cela comme si tout le monde, une grande partie d’entre eux est vouée à perdre. Personnellement, j’ignore comme elle est prête. La Turquie n’était pas du tout préparée, elle a été prise au dépourvu et n’avait pas énormément de force, la Turquie était en pleine crise économique.

L’objectif d’Erdoğan, ce qu’il essaye de dépeindre est “nous allons surmonter cela, et puis marquer le monde”. Il déclare aussi que lui et son régime d’un seul homme vont en sortir renforcer, ce qui permettra à la Turquie d’aller rapidement de l’avant, et d’être un exemple pour le monde. Il y a sans doute des personnes qui croient en cela, pour ma part, il n’est possible de voir les signes allant en ce sens. Par conséquent, nous devons prendre le “plus rien ne sera comme avant” avec des pincettes, savoir que les choses encrées en Turquie ne changent pas facilement, mais rester optimiste pour le futur. Mais nous traversons une période assez difficile, l’épidémie est toujours présente, mais n’a pas frappé gravement le pays. Rien qu’à l’état actuel, elle a beaucoup secoué le pays. Si elle continue à évoluer de la sorte, si les chiffres actuels se stabilisent, peut-être que la Turquie pourra surmonter la crise avec peu de dégâts, moins que ce qui était envisagé. Mais il n’est pas très significatif de spéculer. Or permettez-moi de dire, sans accorder de l’importance à l’illusion “plus rien ne sera comme avant”, je pense qu’il faut insister sur les changements nécessaires en Turquie, en particulier réclamer de façon exigeante le rétablissement d’une démocratie pluraliste, le respect des droits et libertés fondamentaux, l’état de droit. 

Oui, c’est tout ce que j’ai à dire, bonne journée.     

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