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Démission de Berat Albayrak: et soudain, le maillon le plus fort de la chaine a laché

Traduit par Cem Taylan

La disparition du ministre des finance fait gagner des couleurs à l’économie

Hier soir, Berat Albayrak, ministre de l’économie et gendre de Recep Tayyip Erdogan, a publié un communiqué sur son compte Instagram pour donner sa démission; on peut désormais parler d’une démission puisqu’elle n’a pas été ni démentie ni confirmée. On ne sait toujours pas si cette démission va être acceptée par le Président, et si oui par qui il sera remplacé. Naci Agbal a été nommé à la tête de la Banque Centrale. Depuis, il y a d’importantes fluctuations dans les taux de change en faveur de la livre turque. Alors que le “patron” de la livre turque a disparu, cette dernière gagne en valeur: ce gain en dit long.

Une Turquie sans direction erre telle un bateau ivre.

Au delà de sa dimension économique, cette démission est avant tout politique. Ce qui s’est passé hier soir nous montre à quel point la crise de gouvernance du régime est profonde: un ministre occupant une des positions les plus critiques démissionne sur Instagram, son compte Twitter se bloque juste après sa démission, personne n’a de nouvelles de lui; les grands médias partisans turcs garde un silence strict sur cet évènement tandis que les médias indépendants cherchent à apporter des clarifications sur ce message, ni démenti ni confirmé. Et dans tout ça, une Turquie sans direction erre telle un bateau ivre.

Un séisme au coeur du système

Alors quelle est la dimension politique de cette démission ? Berat Albayrak était vu comme l’un des plus solides maillons de la chaîne du régime. Cela n’était pas du à son succès en tant que ministre de l’économie, puisqu’il n’en avait aucun contrairement à ce qu’il prétendait; il est cependant le gendre d’Erdogan. Grâce à ce lien familial, il a d’abord été nommé ministre de l’énergie et des ressources naturelles, puis ministre de l’économie. Son frère Serhat Albayrak et lui faisaient partie du premier cercle étroit d’Erdogan. Il y a quelques années, le journaliste Levent Gültekin avait dit que la Turquie était dirigée par Erdogan, Berat Albayrak et son frère Serhat. Ce constat était vrai à cette époque et l’était toujours jusqu’à peu. Mais cette démission signifie un séisme dans la structure même du régime turc, et pas seulement dans la gestion de l’économie. 

Lorsque Süleyman Soylu, ministre de l’intérieur, avait présenté sa démission, on avait pensé qu’elle était due à la rivalité entre Soylu et Albayrak pour la succession d’Erdogan, et cela était interprété comme une victoire de Berat Albayrak. Mais le refus de cette démission par Erdogan avait été lu comme une volonté de sa part de garder un équilibre entre les deux. Or Berat Albayrak n’est plus là, ni dans le gouvernement ni devant la presse. 

Son texte de démission, rédigé avec une grammaire approximative donne des messages très fins. Le plus frappant de ces messages fut sa dernière phrase: ‘’qu’Allah nous garde’’. Il faut tout de même rappeler que les conséquences de cette démission ne se limitent pas qu’à Berat Albayrak; après la publication de son message, beaucoup de cadres au sein de l’AKP se sont prononcés sur cette démission et certains se sont clairement opposés. 

Une démission dont les conséquences dépassent largement Berat Albayrak

Notamment le président du conseil supérieur de l’audiovisuel Ebubekir Sahin (RTÜK) qui a proclamé son soutien à l’ancien ministre de l’économie, disant qu’ils défendaient les mêmes causes. 

Ce message de soutien montre deux choses: dans un premier temps, on voit bien que le régime a étendu son contrôle sur d’autres domaines que le champ politique. Une autre dimension est que Berat Albayrak n’est pas seul dans cette affaire; son frère est à ce jour le patron du groupe Sabah qui est un des groupes de média les plus importants en Turquie et exerce une grande influence sur le groupe Demiroren qui est le plus grand groupe de média. Cette démission n’est donc pas une affaire individuelle, il s’agit d’un conflit interne dans l’AKP. 

Mettons les choses au clair: quelle carrière politique Berat Albayrak peut poursuivre après sa démission ? Je ne pense pas qu’il puisse avoir un quelconque futur dans la vie politique. Lorsque nous nous posions la même question pour Suleyman Soylu, il était possible – et il est toujours possible – qu’il poursuive une carrière politique sans Erdogan de par sa proximité avec le parti nationaliste (MHP) et son passé politique, mais aussi grâce au réseau puissant qu’il s’est construit au sein du ministère de l’intérieur. Or je ne pense pas que Berat Albayrak soit capable de se lancer dans une carrière politique sans l’appui du régime puisqu’il tirait jusqu’à présent toute sa légitimité d’Erdogan; s’il avait connu un très grand succès en tant que ministre de l’économie, il aurait été envisageable qu’il poursuive sa propre carrière politique en s’écartant du régime. Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit et il a toujours été vu comme l’héritier d’Erdogan. Ainsi, en démissionnant, Berat Albayrak a mis fin à sa jeune carrière politique. 

Quelle réforme pour le régime ? Je rappelle qu’Erdogan a préféré avoir Berat Albayrak à ses côtés au ministre de l’énergie pour l’annonce de la découverte de gisements d’hydrocarbure dans la Mer Noire, ce qui renforçait les spéculations qu’Albayrak allait être l’héritier d’Erdogan. Nous verrons si le nouveau ministre aura cette même proximité politique avec le régime. Les rumeurs disent que Naci Agbal a joué le plus grand rôle dans cette démission, je pense que c’est vrai. Comme je l’avais dit hier sur ce plateau, Agbal était un candidat sérieux pour remplacer Berat Albayrak, on peut imaginer qu’Albayrak le voyait comme un adversaire et n’avait pas une grande affection pour lui. Je ne pense pas que la personne qui sera en charge de l’économie sera très importante. 

Des élections anticipées sont à prévoir

Suite à cet incident les chances d’élections anticipées vont croître. La démission du gendre d’Erdogan nous montre que le bateau qui prenait l’eau a presque entièrement coulé. Je ne pense pas qu’à ce stade il soit possible d’écoper l’eau et de faire repartir le bateau. Cette démission d’un des dirigeants les plus importants du pouvoir est en quelque sorte l’aveu d’une faillite du régime. 

Dans les jours à venir, Erdogan va très probablement faire des calculs pour pouvoir déclarer des élections anticipées par lesquelles il s’en sortira à moindre coût. La position qui sera adoptée par l’autre membre de l’alliance, le MHP, et par son chef politique Devlet Bahceli sera également décisive. Je ne pense pas que l’opposition puisse être efficace dans ce contexte. 

Or il est probable qu’Erdogan cherche à nouer des liens avec des partis d’opposition. Cette démission pourrait entraîner un rapprochement entre Erdogan et le le Bon Parti (İYİ Parti) et son leader Meral Aksener qui a sévèrement critiqué Berat Albayrak à maintes reprises en ne mentionnant pas Erdogan. En fin de compte, il faut le dire: cette démission est le signe d’un désespoir ressenti par le régime. Est-ce qu’il est envisageable que les partis d’opposition courent à l’aide d’Erdogan dans ce contexte ? Peuvent-ils envisager les risques d’un tel rapprochement alors que la fin d’Erdogan est proche ? Je ne pense pas. 

Un bateau ivre qui n’a plus de destination

La chaîne du régime s’est brisée de son plus fort maillon et je pense qu’il est difficile de la réparer dans la conjoncture politique actuelle. Certains parlent d’un groupe qui souhaite se rapprocher du régime au sein du Parti de la Félicité (Saadet Partisi). Une aile de ce parti, dirigée par Oguzhan Asilturk souhaite rejoindre l’Alliance du Peuple. Or même si la totalité du Parti de la Félicité intégrait cette alliance, je ne pense pas qu’Erdogan pourrait sortir de cette crise institutionnelle. Même dans l’hypothèse que le Bon Parti se positionnait aux côtés d’Erdogan – les probabilités sont très faibles -, il ne pourrait être un remède au régime. 

Berat Albayrak a quitté le navire car le navire n’a désormais aucune destination. 

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