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Y a-t-il un avenir pour l’Afghanistan? Entretien avec Olivier Roy

Ruşen Çakır: Bonjour à tout le monde, on va discuter l’Afghanistan, l’avenir de l’Afghanistan s’il y en a, avec M. le Prof. Olivier Roy, grand spécialiste de l’Islam politique et grand connaisseur de l’Afghanistan. M. Roy, bonjour.

Olivier Roy: Bonjour.

Ruşen Çakır: Personnellement je vous ai connu avec votre premier livre sur l’Afghanistan. Vous avez étudié l’Afghanistan, vous êtes resté en Afghanistan pendant l’occupation soviétique et pendant le djihad afghan — des islamistes, mais aussi des tribus. Alors, vous observez l’Afghanistan depuis plus de quarante ans. Est-ce que vous pouvez nous faire un petit résumé de ces quarante ans d’Afghanistan? Qu’est ce qui s’est passé? Il y a plein de morts, d’occupation, plein de perdants, mais peut-être peu de gagnants…

Olivier Roy: Il faut savoir qu’il y a cinquante ans, c’est-à-dire dans les années 60 et 70, l’Afghanistan était en paix, et jouissait d’un gouvernement relativement stable avec une administration très légère — mais le pays était en paix. Tout a commencé avec le Coup d’État communiste de 1978, suivi de l’invasion soviétique de 1979. Depuis cette date, l’Afghanistan est en guerre: guerre contre les étrangers –les Soviétiques, puis plus tard les Américains–, et guerre civile: guerre civile qui oppose des factions très différentes selon des critères idéologiques, religieux, ethniques, tribaux, etc.. Donc, quarante ans de guerre… Et pendant ces quarante de guerre, on n’a jamais eu vraiment de vainqueurs sûrs, sinon en 1996, quand les Talibans, venus du Sud du pays, ont conquis la ville de Kaboul. Alors à Kaboul, il faut savoir qu’on ne se bat pratiquement jamais dans Kaboul. Les gens de Kaboul sont des spectateurs, ils assistent à la prise du pouvoir — ils ont laissé les Soviétiques entrer, ils ont laissé les Moudjahidins reprendre la ville en 1992, ils ont laissé les Talibans prendre la ville 1996, ils ont laissé l’Alliance du Nord reprendre la ville en 2001, et là, ils viennent de laisser les Talibans reprendre la ville.

Je voudrais dire qu’il y a deux éléments clefs: 1) le départ des Soviétiques en 1989; 2) la prise de Kaboul par les Talibans en 1996. Le problème c’est que, après avoir vaincu les Soviétiques, les Moudjahidins ont été incapables de mettre sur pied un gouvernement d’union nationale, incapables… Et on a eu une guerre civile qui, en gros, opposait l’Alliance du Nord, autour du Commandant Massoud, avec partie surtout pachtoune, le parti de Gulbuddin Hekmatyar. Les Talibans ont profité, ont bénéfié de cette guerre civile. La population en avait assez, les anciens Moudjahidins se comportaient comme des brigands, comme des bandits dans les campagnes. Donc les Talibans ont bénéficié d’un besoin de loi et d’ordre, et de probité, de non-corruption, de la part de la population, en tout cas dans les campagnes. Donc si vous voulez, la marque des Talibans, c’est la prétention à assurer la loi et l’ordre, et à ne pas être corrompus. Et ils font ça au nom de la charia. Et dans le Sud du pays ça a très bien pris. Les Talibans ont pris Kaboul en 1996, mais là, les gens du Nord ont résisté, sur une base qui est beaucoup plus, je dirais, ethnique qu’idéologique. Les Talibans sont surtout de l’ethnie pachtoune, les gens du Nord sont surtout des Tadjiks, des Ouzbeks et des Hazaras qui sont chiites. Et on a une guerre civile qui durait jusqu’en 2001. En 2001, c’est le 11 septembre. Et là, les Américains interviennent. Ils n’interviennent pas pour créer un État stable en Afghanistan. Ils n’interviennent pas pour libérer les femmes afghanes, ils n’interviennent pas pour mettre fin à l’exercice de la charia en Afghanistan. Ils interviennent pour tuer Ben Laden, pour se venger du 11 septembre, pour détruire le régime taliban qui a soutenu Ben Laden, qui a donné asile à Ben Laden. C’est ça l’objectif américain. Et évidemment ils gagnent très facilement. En 2001, les Talibans sont détruits, Ben Laden s’envoie au Pakistan, etc.. Et puis les Américains se retrouvent avec, à gerer, l’État afghan. Et là, d’abord ils déversent des milliers de milliards de dollars sur le pays, et puis essaient de monter un État “moderne”, un État de technocrates, à faire des élections, etc., sans tenir compte de ce que j’appelerais l’anthropologie politique de l’Afghanistan, sans s’intéresser aux problèmes des tribus, des clans, des ethnies, etc.. Ils font du state-building. Ils essaient de construire un État à partir de zéro. Et ça ne marche pas. Et le premier problème, c’est la corruption. La corruption était extraordinaire. Et on l’a vu par exemple avec l’effondrement de l’armée afghane. Pourquoi l’armée afghane s’est effondrée? Je dirais parce qu’elle n’existait pratiquement pas. J’ai vu moi-même en 2004 par exemple, un bataillon de l’armée afghane, qui était censé avoir 800 soldats, et il y en avait 20 ! Les soldes étaient payées, et les soldes étaient récupérées par les fonctionnaires du Ministère, par les officiers etc.. Sur le papier on avait un bataillon de 800 personnes, dans la caserne il y avait 20 personnes. Voilà! Et ça explique très largement l’effondrement de l’armée afghane face aux Talibans. Le grand probleme c’est la corruption. Les Américains croyaient qu’avec l’argent on pouvait tout fixer, tout arranger. Eh bien non! Avec l’argent on corrompt. Et les Talibans ont gardé leur image d’incorruptibles. On verra. On verra ce qu’ils vont faire maintenant — il y a de la drogue, il y a aussi beaucoup de choses. Mais c’est cette image d’incorruptibles qui a fait que la population dans les campagnes les a soutenus. L’autre point, c’est que les Talibans savent parfaitement jouer le système tribal, le système clanique. Ils savent négocier selon les régles traditionnelles de la société afghane. Qu’est-ce qu’on fait avant une bataille? On négocie. On va voir le commandant d’en face, on va voir les barbes grises, on va voir les mollahs. On discute et on essaie de trouver un accord. Et quand le premier coup de feu est tiré, eh bien, c’est fini. Il n’y a pas de bataille, parce qu’il y avait un accord à l’avance. Ça, les Américains n’ont pas compris. Les Américains sont arrivés avec une idée : « On a en face de nous des terroristes islamiques, il faut les tuer. On ne négocie pas avec les terroristes islamiques. » Donc ils ont tué beaucoup de chefs talibans, ils ont également fait beaucoup de dégâts dans la population civile. Et du coup, ils n’ont jamais réussi à rallier la population dans les campagnes. Par contre, en ville, à Kaboul, là on a eu une révolution culturelle. Kaboul a complètement changé en vingt ans. Kaboul, c’est 6 millions d’habitants. Quand j’étais autour de Kaboul en 1999, il n’y avait pas de téléphone portable, il n’y avait pas d’internet, il n’y avait rien. Quand je suis revenu en 2004, cinq ans après, tout le monde avait un téléphone portable, internet se développait partout, et puis après, tout le monde avait facebook, et tous les gens de Kaboul se communiquaient sur les réseaux sociaux etc.. Les moins de 30 ans à Kaboul ne se rappellent pas l’époque des Talibans. Ils ont été éduqués, élevés dans une culture très occidentale, les filles ont été à l’université, elles ont des postes dans l’administration, elles ont des entreprises, etc.. Donc on a une culture tout à fait différente avec Kaboul. Donc le problème c’est ça maintenant. C’est le contraste entre la ville de Kaboul, où les femmes en particulier ont profité d’une promotion assez remarquable, et les campagnes qui sont restés extrêmement traditionnelles, extrêmement conservatrices. 

Ruşen Çakır : Prof. Roy, je voudrais poser une question, vous en avez déjà parlé, mais on a été témoin du grand fiasco de nation-building par les Américains, les Occidentaux, par l’OTAN, etc.. La grande question pour l’avenir : Est-ce que les Talibans ou les autres forces afghanes authentiques pourraient établir un État qui puisse fonctionner en Afghanistan ? Ou bien, est-ce que c’est impossible, et on va discuter la division de l’Afghanistan selon les ethnicités ouzbeks, tadjiks, hazaras, etc. ?

Olivier Roy : Il faut voir qu’il y a une tradition étatique en Afghanistan. L’Afghanistan comme pays, s’est construit autour de l’Émirat de Kaboul, au début du 19ème siècle. Et ce sont ces émirs de Kaboul qui ont créé un appareil étatique –bon ! léger, superficiel etc., mais– ils ont unifié l’Afghanistan et je dirais qu’ils ont résolu la question ethnique — ce sont des Pachtounes, et les Pachtounes ont dominé dans l’histoire, l’appareil de l’État et l’armée ; mais la langue de l’État, et la langue de culture, c’était le Persan. Donc les émirs de Kaboul n’ont jamais imposé le Pachtoune, ils ont toujours utilisé le Persan comme langue de culture, langue d’administration, etc.. Et le Persan est une langue d’intégration, puisque c’est la langue commune à toutes les ethnies d’Afghanistan. Le Persan n’est pas une langue ethnique. Je crois que les Talibans vont reprendre cette formule. Ils vont reprendre dans le fond des modes de gouvernement qui ne soient pas spécialement islamiques, qui relèvent plutôt de cette tradition historique afghane, où, oui, le pouvoir est aux pachtounes, c’est vrai, mais les Pachtounes s’appuient sur une bourgeoisie et une intelligentsia persanophone, et surtout, arrivent à articuler le pouvoir central sur les pouvoirs locaux. Voilà, je crois que ça, c’est très important. Et les pouvoirs locaux ne sont pas des pouvoirs ethniques. Si vous allez à Kandahar, si vous allez à Mazâr-e Charîf, vous n’avez pas les Ouzbeks, les Pachtounes. Vous avez ce que les Afghans appellent des kawms, des clans, qui peuvent appartenir à n’importe quelle ethnie, et qui sont toujours en rivalité dans des jeux d’équilibre et de conflits pour la terre, pour l’eau, pour le pouvoir local, etc.. Donc quand l’État afghane fonctionne, c’est quand il sait, dans le fond, jouer les équilibres entre ces groupes locaux. Et les Talibans ont une tradition de ça, ils savent faire. Donc je crois qu’on va au contraire, plutôt qu’un effondrement sur des lignes ethniques, on va avoir une sorte de revivalisme de la nation afghane, avec un État apparemment fort mais en fait assez faible, qui sera toujours en train de négocier avec les autorités locales, et avec une référence à la fois à l’Islam et à l’afghanité. Je crois que les Talibans sont des nationalistes. Alors ils se sont engagés à respecter les frontières, ils ont reconnu la frontière avec le Pakistan –parce que ce n’était jamais fait avec les régimes en Afghanistan–, ils veulent construire un émirat islamique à l’intérieur des frontières reconnues de l’Afghanistan. Ils ont été très clairs là-dessus. C’est ce qu’ils ont fait quand ils étaient au pouvoir pendant cinq ans, de 1996 à 2001. Ils ont tiré les leçons de leur défaite de 2001, quand le Mollah Omar a soutenu Ben Laden.

Donc moi je suis relativement optimiste, non pas pour les femmes afghanes qui vont payer le prix de cette reconstruction étatique, ça c’est clair au moins dans un premier temps; mais je crois qu’on a une chance ici de stabiliser l’Afghanistan comme état-nation — à une condition : c’est qu’il n’y ait pas d’ingérence étrangère. Au fond, le problème de l’Afghanistan, ce sont les ingérences étrangères. 

Ruşen Çakır : Je voudrais vous poser une question de détail : Avant la victoire des Talibans, depuis des jours, on voit déjà en Turquie que des milliers de jeunes hommes d’Afghanistan viennent, en passant par l’Iran. Maintenant quand on regarde l’Aéroport de Kaboul, surtout ce sont des jeunes hommes –pas de femmes, pas d’enfants, pas de vieux– qui essayent de s’échapper de leur pays. Qu’est ce que ça veut dire cela? Parce que normalement, les réfugiés sont des familles. Mais ici, on voit des jeunes hommes qui quittent leurs familles pour quitter le pays. Quelle est la signification de ces images ?

Olivier Roy : Il faudrait regarder de plus près, mais je crois qu’il y a en gros deux catégories de jeunes qui s’en vont: Il y a ceux qui étaient impliqués dans le régime précédent  — ceux qui travaillaient avec les Américains, avec les ONG occidentales, ou ceux qui étaient impliqués dans les activités économiques qui étaient vraiment tournés vers l’armée américaine ou dans des modes de consommation –par exemple la musique– qui sont rejetés par les Talibans. Tout ce qui est loisirs, entertainment, cinéma, etc.. Il y avait beaucoup de petits business qui fonctionnaient. Et ces gens-là pensent qu’ils n’ont pas d’avenir — non seulement qu’ils n’ont pas d’avenir, mais qu’il y a un risque pour leurs vies de rester à Kaboul. Donc ça, c’est la première catégorie qui s’en va. Les jeunes qui étaient justement dans cette culture moderne, dans ce système culturel que les Talibans rejettent. Et la deuxième catégorie, je crois que c’est des gens qui ne sont pas politisés, qui n’étaient pas du tout du côté des Américains ou du gouvernement d’Ashraf Ghani, mais qui pensent qu’il n’y a pas d’avenir. Il n’y a pas d’avenir pour eux. Donc, ils ne partent pas parce qu’ils ont peur pour leurs vies, ils partent parce qu’ils pensent qu’on ve revenir au Moyen-Age, qu’il n’y a pas d’avenir pour la jeunesse. Voilà, ces deux catégories partent. Donc, pour stabiliser cette émigration on a besoin de plusieurs choses. La première chose c’est une amnistie. C’est-à-dire que les Talibans annoncent qu’il n’y aura pas de représailles etc.. Ça c’est très important, c’est le premier test. On va voir s’ils le font. Il y aura des réglements de compte en Afghanistan à tous les niveaux. Mais tant que ces réglements de compte se situent –je dirais– à la base, bon, ce n’est pas un problème énorme. Mais si l’État se met à pourchasser les anciens opposants, à arrêter les jeunes pour les obliger à aller à l’armée –ou des choses comme ça–, là, ça se passera mal. Donc on aura effectivement une émigration. Le premier point, c’est de suivre –parce qu’on ne peut pas faire de pression sur les Talibans–, de suivre leur politique d’amnistie par rapport aux gens qui étaient du côté gouvernemental. Le deuxième point, c’est…

Ruşen Çakır : De toute façon on attend un grand exode de l’Afghanistan vers les pays frontaliers comme le Pakistan, l’Iran, peut-être les républiques de l’Asie centrale ; mais la grande question internationale c’est qu’ils ne veulent pas rester au Pakistan, en Iran, et ils veulent essayer d’aller vers l’Occident. Déjà Mme Merkel a parlé de ça, et le Président Macron aussi a dit qu’il essayera de travailler avec le Pakistan, l’Iran et la Turquie. Ce qui est très intéressant ici, la Turquie et l’Afghanistan, c’est très loin. Mais ils ne veulent pas rester en Iran, et l’Iran les laisse passer vers la Turquie. Alors la Turquie peut devenir –comme on a déjà vécu avec les réfugiés syriens– un État où les réfugiés peuvent rester, mais payés par l’Occident. Mais c’est vraiment un grand problème civil et national en Turquie depuis quelque temps. Comment résoudre ce problème de nouveaux réfugiés afghans ? Personnellement je ne vois aucune solution.

Olivier Roy : Là, ce n’est pas la même chose que la Syrie. En Syrie, c’était des familles entières qui partaient parce qu’elles étaient sous les bombes. Il y avait une pression militaire, une pression physique, une peur de mourir qui faisait qu’on partait avec toute la famille. Là, ce sont des jeunes qui vont plutôt en explorateur — c’est-à-dire qu’ils partent par précaution et qui, peut-être feront venir leurs familles plus tard. Mais ce n’est pas la même chose. Je crois qu’ils partent par précaution, et pas par désespoir. C’est pour ça que les deux éléments importants pour stabiliser la situation c’est : est-ce qu’on va avoir la paix, demain, en Afghanistan ? Et est-ce qu’on va avoir un développement économique suffisant pour que les gens trouvent du travail. Donc ça n’a rien à avoir avec la Syrie, parce qu’en Syrie on sait qu’il n’y aura pas la paix, et on sait que de toute façon l’économie ne va pas repartir. Alors les Talibans sont décidés à faire la paix, et ils sont intéressés par le démarrage économique, par les activités économiques — ce sont des hommes d’affaires les Talibans. Donc, si la situation se stabilise en Afghanistan, on a un espoir que la vague migratoire actuelle ne dure que quelques semaines ou quelques mois — et non pas des années. Alors, en attendant, donc il faut gérer ce flux — mais enfin, c’est pas des millions de gens qui partent, ce sont des dizaines de milliers. Donc par rapport au grand flux migratoire qu’on a connu il y a sept-huit ans, ça n’est pas la même chose. Ils sont beaucoup plus gérables. Et là, il faut que, effectivement, l’Occident prenne sa part, en particulier par exemple en récupérant ceux qui ont collaboré avec les ONG et avec les armées, avec les institutions européennes ou américaines. Voilà, ça fait déjà des dizaines de milliers de personnes. Et ça, c’est la tâche –le devoir je dirais– des pays occidentaux de prendre cela en priorité — ce qui, je ne dirais pas que ça mettrait fin à l’émigration, mais enfin ça va permettre de récupérer une partie significative de ceux qui fuyent l’Afghanistan.

Ruşen Çakır : Et la dernière question concerne les femmes bien sûr, parce qu’on attend malheureusement que les grandes victimes du régime taliban soient des femmes, parce que c’est ouvertement leur position, leur interprétation, etc.. C’est très net. Peut-être en vingt ans ils ont un peu changé, mais on n’est jamais sûr, et déjà on a eu des témoignages très mauvais. Les femmes afghanes qui ont un peu humé un air de liberté pendant ces dernières années. Surtout la communauté internationale –s’il y en a– discute, pense, réfléchit sur ce problème-là. Qu’est-ce que vous pensez à propos de l’avenir des femmes afghanes ?

Olivier Roy : Alors les Talibans vont faire quelques concessions. Par exemple pour les écoles primaires de filles, des choses comme ça. Mais le problème, c’est que ce n’est pas seulement une question de charia, c’est que les Talibans sont très représentatifs de la culture du Sud du pays qui est extrêmement patriarchal. Dans les tribus pachtounes aux années 60, je ne voyais jamais de femmes dans le Sud; ce n’est pas seulement un phénomène taliban. Et c’est redoublé par une dimension je dirais sociologique et généalogique. Il suffit de regarder les photos des Talibans à Kaboul : ce sont des hommes jeunes, célibataires, qui ont été les produits des madrassas talibans en Afghanistan ou au Pakistan. Beacoup d’entre eux n’ont jamais vu une femme de leurs vies. Ils sont dans une culture presque incel (involuntary celibataire) américaine, c’est-à-dire une espèce de frustration –disons-le : de frustration sexuelle– et d’une absence de sociabilité dans une société mixte, etc.. Donc ils vont être un problème, par exemple : ils demandent des femmes — alors, pas des prostituées hein ? Ils demandent qu’on leur donne une épouse, ils trouvent normal qu’on prenne une fille et qu’on leur donne comme épouse. Donc là, le choc culturel à Kaboul est extraordinaire, parce qu’en vingt ans, on a une génération de jeunes femmes très éduquées, très compétentes, et très souvent d’ailleurs qui sont chefs de famille, parce que les hommes sont morts, sont partis, etc.. Elles jouent donc un grand rôle dans l’économie, et qui vont se trouver brusquement confrontées à ces jeunes Talibs, au sens strict du terme, ces jeunes étudiants en religion qui sont profondément misogynes — pas par méchanceté, mais du fait de leur éducation, ou de leur absence d’éducation.

Ruşen Çakır : Merci beaucoup Prof. Olivier Roy. On a discuté avec vous sur l’avenir de l’Afghanistan sous le régime des Talibans. Merci beaucoup, alors peut-être on va continuer à discuter sur l’Afghanistan, ou bien en général de l’impact de ce qui se passe en Afghanistan sur l’Islam politique international, global. Merci et au revoir.

Olivier Roy : Au revoir.          

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