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L’Opération Source de Paix: L’internationalisation de la question Kurde

Traduit par Cem Taylan

Rédigé par Jalal Haddad

La guerre a internationalisé une question régionale

Bonjour à tous. Aujourd’hui je vais parler de l’internationalisation de la question kurde, car il me semble que c’est la conséquence la plus importante de l’opération Source de Paix . Jusqu’à présent, la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran avaient chacun leur question kurde, et ils  l’ont toujours. Le question kurde était donc un question régionale. Or avec l’opération militaire lancée par la Turquie, cette question est devenue l’un des sujets les plus importants de l’actualité internationale. En lançant cette opération, l’ambition de la Turquie était de sécuriser ses frontières dans le Sud et de renvoyer une partie de ses réfugiés syriens dans cette zone sécurisée; or un des premiers résultats de cette opération pour l’instant fut la visibilisation de la question kurde aux yeux de l’opinion publique internationale, souvent avec sympathie pour les kurdes. Ce phénomène n’a bien sûr pas émergé du jour au lendemain. Il faut prendre en considération le fait que le YPG et le PYD- qui sont l’aile militaire et politique d’une même entité- et les forces démocratiques syriennes sont engagées dans une coalition menée par les États-Unis, avec le support de l’Occident, pour combattre les militants de Daesh dans la région. Les assauts aériens américains ont été cruciaux dans le succès obtenu du YPG ou des forces démocratiques syriennes contre Daesh, le support logistique a aussi été considérable.

Mais c’est surtout les militants du YPG et des forces démocratiques syriennes qui ont été utilisés dans la lutte contre Daesh, des centaines de milliers ont perdu leur vie lors des conflits. C’est ainsi que le PYD, le YPG et les forces démocratiques syriennes sont devenues des protagonistes du conflit contre Daesh dans l’opinion publique internationale. Ces organisations sont devenues les bons et les militants de Daesh sont devenus l’”adversaire” dans ce conflit.

Les militantes de ces organisations ont notamment eu un grand soutien de l’opinion publique internationale. D’un côté l’approche rabaissante de Daesh envers les femmes, qui enfermait et voilait les femmes, de l’autre côté des militantes du YPG à l’apparence libre. Les grands magazines féminins occidentaux ont même envoyé leurs photojournalistes pour interviewer et prendre en photo les militantes du YPG- même des magazines de mode ont envoyé leurs reporters. Prenant en considération tout cela, il était d’ores et déjà clair qu’il était difficile pour la Turquie, qui était accusée auparavant d’avoir collaborer et d’avoir aider des organisations djihadistes, d’avoir une bonne image dans la presse Occidentale lorsqu’elle a lancé son opération militaire en Syrie face au YPG/PYD. Peu de temps après l’impossibilité de cela s’est affirmé. Peut-être que sur le terrain la Turquie va gagner, mais l’opinion publique occidentale définit la Turquie et les forces militaires turques comme les adversaires, et le YPG/PYD comme les victimes.

Contradictions d’une diplomatie inefficace

La Turquie fait des efforts pour briser cette conception; mais cela ne me semble pas possible.

Il faut noter que sans cette opération, ni le YPG/PYD, ni le PKK pouvait sensibiliser l’opinion publique internationale sur leur cause et faire accepter cette cause comme légitime. Ils n’avaient ni les ressources suffisantes, ni les bonnes méthodes, ni le bon langage à manier pour porter leur cause dans l’actualité internationale. Or avec cette opération militaire, la question kurde, qui était auparavant un problème régional, s’est trouvé au centre de l’actualité internationale. Et avec l’effet des médias, l’opinion publique internationale affirme son hostilité à la Turquie et son soutien aux kurdes. Bien sûr, le discours de la Turquie face à cette pression internationale est: « Nous ne sommes pas contre les kurdes, nous sommes contre les terroristes, nous sommes contre le YPG ». C’est le discours officiel répété à maintes reprises par le président Erdogan et des portes-paroles du gouvernement. Mais il est difficile de dire que ce discours à une réponse positive, non seulement de la part des médias, mais aussi des gouvernements. L’exemple le plus récent est la lettre choquante du président Trump adressée au président Erdogan. En vérité une partie de la lettre de Trump a déjà été dévoilée par ses tweets, mais aussi par les communiqués de presse du sénateur Graham. Qu’est-ce que Donald Trump a dit dans sa lettre ? « J’ai parlé avec le général Mazloum, il est prêt à faire des concessions, je vous transmet sa lettre, faites des efforts à ce sujet; sinon telles choses vous arrivera… ». Le général Mazloum mentionné par le président Trump est un général du YPG nommé Mazloum Kobani. C’est une personne qui ne se cache pas, on sait qu’il est au même rang qu’Abdullah Öcalan[1]. Et cette personne a déjà personnellement parlé avec Donald Trump, c’est-à-dire sans aucuns interlocuteurs d’après ce que je comprends. Alors que Donald Trump lui a déjà adressé la parole, il demande à Erdogan « de lui parler également et de résoudre les problèmes ». Or Erdogan s’était déjà prononcé sur le sujet en disant que « beaucoup essayent d’être le médiateur entre la Turquie et le YPG, s’ils le veulent autant qu’ils convainquent le YPG ».  Ainsi on voit que ces organisations ne sont plus perçues comme terroristes par l’Occident, mais comme des personnes avec qui il est possible de dialoguer.

Un autre sujet est l’approche de la Russie. La Russie ne considère même pas le PKK comme une organisation terroriste, au point que l’organisation a des représentants officiels en Russie. Et comme on l’a vu à l’occasion de l’opération militaire, la Russie cherche à rapprocher le YPG et  Damas. Et cette manoeuvre de la Russie a fondamentalement changé le déroulement de l’opération militaire. On sait que le YPG a délégué d’importants territoires à l’armée syrienne et cela fut un tournant à l’opération militaire. On voit donc que ni la Syrie, ni la Russie ne traite ces organisations comme des organisations terroristes. Ils les traite comme des organisations avec qui le dialogue et la négociation sont possibles. Ainsi la rencontre entre Erdogan et Poutine qui aura lieu la semaine prochaine[2] aura certainement deux sujets. Le premier sera la demande à Ankara d’enfin recommencer les négociations avec Damas pour résoudre certains problèmes. Un deuxième sera de trouver un accord avec le YPG/PYD en passant peut-être par la Syrie, ou bien par la Russie. On voit encore une fois que ces organisations ne sont pas perçues comme terroristes par des États comme la Russie ou la Syrie puisqu’ils sont en pleine négociation. L’approche de la Turquie est nette jusqu’à présent: elle s’affirme contre toute négociation avec des organisations qu’elle définit comme terroriste. Or on sait que cette approche n’a pas été respectée lors du processus d’Oslo durant lequel des rencontres ont été faites directement avec des représentant du PKK, ou bien pendant le processus de paix[3] pendant lequel des rencontres ont été organisées entre la Turquie et Kandil par l’intérimaire des députés du HDP ou bien d’Abdullah Öcalan. De ce fait la Turquie a transporté sa question kurde sur la scène internationale, et je pense qu’elle s’est véritablement affaiblie dans ce conflit. Est-ce qu’elle était puissante auparavant ? C’est un autre débat. Mais à l’heure actuelle elle n’est pas en position de force. Pendant les différents processus de paix, les représentants des kurdes- que ce soit le HDP, directement ou indirectement Abdullah Öcalan, ou bien Kandil- ont toujours souhaité la présence des observateurs internationaux. Or l’État turque a systématiquement refusé toute intervention internationale, déclarant qu’elle était capable de régler ce problème sans que le problème soit transporté dans l’actualité internationale. Alors que les représentants des kurdes souhaitaient régler ce conflit dans un cadre international, l’État turc s’opposait à cela et imposait sa volonté de maintenir le conflit dans un cadre national. Mais il a échoué. Pourquoi a-t-il échoué ? C’est un autre sujet de débat. Erdogan a montré à maintes reprises qu’ils ne souhaitait pas faire d’efforts pour résoudre ce problème, « Le problème a déjà été résolu, il n’y a pas de tel problème », rétorque le président turc depuis un certain temps. Ainsi avec cette opération militaire lancée, les portes de l’internationale se sont ouvertes à ce problème.

Un président américain erratique

On observe que Donald Trump ne qualifie pas ce conflit comme une lutte contre le terrorisme, mais plutôt comme un conflit entre turcs et kurdes. Dans ses tweets il met souvent l’accent sur l’historicité des tensions entre les turcs et les kurdes et présente ainsi la situation actuelle comme un aboutissement de ses tensions; cette perception est certainement partagée par plusieurs milieux de l’Occident. Ainsi cette opération n’est pas perçue comme le souhaite la Turquie, c’est-à-dire une opération menée dans le cadre d’une lutte contre le terrorisme, mais comme une extension du conflit turc-kurde; il est donc très probable que certaines institutions et États cherchent à résoudre la question kurde de la Turquie, même si l’État turc persiste à ne pas porter le sujet dans son actualité. Il y a bien sûr une résistance à cela, notamment de la part de l’”Alliance de la République” (NDT: Nom donné à l’alliance entre l’AKP et le MHP). Mais l’opération a également connu un grand soutien hormis l’Alliance de la République. En raison de ce soutien massif, je ne pense pas que les pressions internationales peuvent aboutir actuellement. Mais je pense qu’après un certain temps, le sujet reviendra à l’actualité. Je pense qu’il n’est désormais plus possible pour la Turquie d’ignorer les kurdes, de les mettre au second plan et de se permettre de les perdre. Or quand vous dites cela, quelqu’un vous demanderait: « Qu’est-ce que cette question kurde ? Les kurdes ont tout ce qu’ils veulent en Turquie ». Cette approche négligente  refuse de considérer le problème comme étant régional, et non propre à la Turquie. On voit également que l’opinion publique internationale est souvent plus informée à ce sujet. Et l’opération militaire a renforcé cela.

Je ne veux pas parler davantage de la lettre de Donald Trump. Parce-que cette lettre renforce l’idée courante du « Trump est comme ça, on y est habitué », or ayant fait du journalisme pendant deux ans et demi à Washington, je vois à quel point c’est une catastrophe diplomatique. Pendant les années que j’ai travaillé, par exemple entre 2004 et 2005, une seule parmi plusieurs expressions de cette lettre aurait était suffisante pour déclencher une crise diplomatique. La Turquie n’a pas pris cette lettre très au sérieux en se disant que « c’est Trump, on est habitué à ce genre d’expressions de part ». Or il ne faut absolument pas sous estimer la situation. Je veux souligner que les sentiments nationaux ont été suspendus lorsqu’il s’agissait de cette lettre. C’est tout ce que j’ai à dire, bonne journée.


[1]          Abdullah Öcalan est le fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK)

[2]          Le sommet qui a eu lieu à Sotchi le 22 octobre a abouti aux accords de Sotchi entre la Turquie et la Russie. Dans le cadre de cet accord, le YPG/PYD s’est retiré de la région et s’est désarmé, tandis que la Turquie et la Russie veille sur la région libérée par le YPG/PYD.

[3]          Le processus de paix est le processus lancé par l’AKP en 2014 pour finir le conflit kurde dans le territoire turc

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