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Est-ce que le nouveau parti d’Ali Babacan, DEVA, pourra se maintenir sur l’échiquier politique?

Traduit par Nurcan Kılınç

Bonjour, bonne journée. Hier, à Ankara, j’ai observé la réunion de présentation du Parti de la démocratie et du progrès, dit DEVA. Je comptais faire hier un récapitulatif, mais comme vous le savez, ou peut-être que vous l’avez regardé, nous avons eu un entretien avec Ali Babacan. En raison de la préparation de cet interview, l’évaluation se fera aujourd’hui. Je souhaite expliquer ce que j’ai pu voir sous divers angles, ce dont j’ai pu constater, et ce dont je pense. Bien sûr, il y a un point qui est que, au mois de décembre au même endroit, j’avais assisté à la présentation du Parti de l’avenir, fondé par Ahmet Davutoğlu. J’ai, de fait, l’occasion de comparer les deux événements. Comparer ces deux partis entre eux, nous facilite la tâche à bien des égards, car ils proviennent de la même origine, émettent des critiques similaires et proposent des programmes similaires. Davutoğlu et Babacan ont travaillé ensemble, sont deux personnes qui se connaissent. La différence qui en résulte  donnent des signes sur la façon dont la politique va se structurer et changer en Turquie dans les prochaines années. 

Permettez-moi de dire : après l’annonce des 90 membres fondateurs du parti DEVA j’ai fait un compte-rendu, puis j’ai assisté à la réunion hier. Je tiens à préciser dès le début : j’ai observé un parti bien meilleur que je le pensais. En vue des noms du Conseil des fondateurs, ceux que je connais parmi ces 90 fondateurs, le temps d’attente assez long et ennuyeux, des interviews qu’Ali Babacan a donnés dans divers médias lors des différentes occasions je m’étais fait une idée différente de ce j’ai eu après cette présentation et l’entretien réalisé avec Ali Babacan.

C’est l’un des points les plus séduisants du journalisme, de constater la différence entre ce qu’on perçoit de loin et sur le terrain. Lorsque vous allez sur le terrain, vous pouvez observer plusieurs détails en même temps. Notamment lors de ce type de réunion nombreux, vous avez l’occasion de discuter avec des personnes de divers horizons. Vous ressentez l’atmosphère, c’était le cas avec le Parti de l’avenir, et ça a été le cas aussi pour le parti DEVA. Ce que j’ai pu apprendre sur place, tant pour le Parti de l’avenir, que pour le parti DEVA a enrichi ma vision sur ces partis. Il y a une différence entre les deux partis, apparente chez les personnes qui sont venues à la réunion ou celles qui sont venues regarder. Le Parti de l’avenir ressemblait plus à l’AKP, alors que celui-ci ressemble un peu plus à l’ANAP de Turgut Özal. Évidemment qu’ils ont des points communs, car ils sont composés quasiment du même groupe de personnes, mais j’ai pu constater cette différence. Dans son discours, Davutoğlu prétend une continuité, c’est-à-dire la poursuite du processus de mise à banc. Quant à Babacan, il ambitionne de se positionner au centre – lui parle de “milieu”, mais c’est le “centre” -, une prétention de prendre un peu de tous. 

On peut dire que Davutoğlu s’adresse principalement à la base électorale de l’AKP. D’une manière assez intéressante, je pense que le Parti DEVA a pour interlocuteur principal l’opposition avant la base électorale de l’AKP, la branche de l’opposition. Les cadres du parti dit à l’électorat de la branche de l’opposition que : “il y a ici un pouvoir qui est contesté, mais les partis pour lesquels vous votez, ou envisagez de voter ne sont en mesure de faire face au pouvoir. Leur équipe, projets et programmes n’y correspondent pas. Nous émettons cette affirmation”. La chose intéressante ici est que s’il parvient (le parti DEVA) à se renforcer au sein de l’opposition, il y aura de nouvelles personnes, électeurs et équipe issues du pouvoir qui le rejoindront. J’estime que de telles différences existent – qui est très important à mon avis, car c’est le point clé de la question “DEVA pourra-t-il se maintenir sur l’échiquier politique ou pas ? ». Étonnamment, le parti DEVA prétend être une opposition, une alternative, mais sans préciser de façon concrète ce qu’il ambitionne, car ne s’oppose pas à Erdoğan, etc. Il parle d’une situation abstraite, et sans sujet. Il n’évoque pas les choses qui vont mal. Au lieu de critiquer, il préfère mettre en avant ses propres suggestions, en ce sens, il revendique une activité et non une réaction. Ce qui est, à mon avis, une différence importante. 

Il est pertinent de souligner une chose que Babacan a pu dire lors de cet entretien “Avec cette équipe nous pouvons former cinq conseils des ministres”. Chose qui évoque beaucoup le temps de Özal et de l’ANAP. L’accent mis sur l’équipe et le projet est très important. Lors de la prise de parole de Babacan, ce qui m’a le plus intéressé, au-delà des parties où il expliquait ce qu’il allait faire – c’est-à-dire, plutôt que le programme du parti – c’est le “comment” – grossièrement c’est la charte du parti. Ce dernier a davantage attiré mon attention, car il a mis l’accent sur une politique transpolaire, calme, non-agressive, une politique basée sur des projets et une équipe, tout en soulignant à plusieurs reprises la démocratie à l’intérieur du parti. Ces éléments distinguent bien évidement le parti DEVA des autres partis, en particulier de l’AKP, mais également du parti de l’Avenir, du CHP et du Bon parti.

C’est bien le début – une lune de miel disons – mais est-ce que c’est durable ? Je n’en suis pas sûr, car lorsque nous analysons les membres fondateurs, il y a d’un côté, ceux qui ont fait de la politique sous l’AKP, des hommes politiques expérimentés – des ministres, des députés, des membres des commissions parlementaires, tous expérimentés – et de l’autre des jeunes, des femmes, et peut-être même ceux qui débutent en politique. Il y a parmi eux certains issus de la bureaucratie, pour qui la tâche peut être plus simple – car ils ont déjà travaillé avec la politique – mais bon nombre d’entre eux n’ont pas terminé leurs études universitaires, qui étudient toujours, ou qui sont dans la vie active et qui n’ont pas fait de la politique. Babacan veut les mettre en avant, mais comment va-t-il y parvenir ? Nous allons attendre pour voir cela, car généralement ces noms méconnus de la scène politique, servent de vitrine et y restent sans parvenir à se démarquer. 

Fait intéressant à la fondation de l’AKP, notamment lors de ses premières années de création, comme aujourd’hui avec le parti DEVA, il y avait des noms qui entraient pour la première fois en politique – parmi les fondateurs, au sein de la direction, et des premiers députés, dont Ali Babacan. Un nombre important d’entre eux ont pu, d’une certaine façon, atteindre des postes importants au sein du parti, et ont ajouté à l’AKP un dynamisme très important. Mais plus tard, des nouveaux noms ont rejoint l’AKP – par exemple un certain nombre d’Alevis, des noms originaires du CHP, des libéraux, etc – presque aucun d’entre eux, très peu d’entre eux ont réussi à se maintenir et atteindre des postes importants au sein du parti. La plupart d’entre eux ont servi de façade, et lorsque leur date d’expiration est arrivé soit ils ont quitté le parti de leur propre gré, soit ont été liquidés par Erdoğan. Mais je m’en souviens, lors du premier mandat de l’AKP, – arrivé au pouvoir de façon inattendu, rapide et seul – beaucoup de noms ont réussi à atteindre des postes importants. Il y a ici, d’une certaine façon un événement qui nous rappelle les premiers temps de l’AKP : des politiciens expérimentés, plus, ceux qui intègrent la scène politique pour la première fois, ou qui en raison de leur âge ou de leur statut ont peu d’expérience en politique. Je pense que la question importante est de savoir comment ils seront mélangés. 

Le facteur Ali Babacan est ici à prendre en compte. Ali Babacan a toujours été considéré comme un régent – connu à travers les leçons d’histoire sous le nom de régent de la royauté – donc traité comme un représentant. Un représentant de qui ? D’Abdullah Gül. “En réalité le parti appartient à Abdullah Gül mais Ali Babacan sera à sa place le président du parti”. Nous avons vu que cela est efficace, nous l’avons vu, mais lors de la réunion de présentation du parti – tant lors de sa prise de parole, que de l’entretien que j’ai effectué, ou encore les discussions que j’ai pu entretenir avec les membres fondateurs – j’ai pu voir que la chose était en train de changer. Ali Babacan ne parait pas vouloir être un président dépositaire. Un slogan a été prononcé, “Le leader est Babacan” – chose sur laquelle je l’ai interrogé lors de l’entretien. À propos du leadership, il est peut-être trop tôt pour le définir comme un leader, tel que nous connaissons et dont nous avons l’habitude, mais je n’ai pas l’impression que Babacan va se comporter comme un substitut. Il s’est bien approprié le rôle, ne parait pas le faire par obligation, il s’est réellement approprié la chose. En ajoutant  son style et sa manière, il veut devenir chef de parti et chef de file. Est-ce qu’il va y parvenir ? Dans la mesure où il réussit à ce niveau, et dans la mesure où il parvient à gérer son parti, je pense qu’il a la chance de réussir en Turquie. Mais s’il s’affaiblit et ne parvient à établir les équilibres au sein du parti – chose valable pour chaque parti et toutes sortes de formations – cette structure mourra de manière prématurée. Il ne maintiendra sa revendication que s’il parvient à établir ces équilibres, et utiliser ses ressources humaines de façon efficace. 

Bien sûr, les conditions de la Turquie seront ici très déterminantes. Les conditions actuelles en Turquie sont favorables. Surtout en ce qui concerne la crise économique, Ali Babacan est un personnage très sérieux – il peut en fait être une alternative à l’AKP. Je dis cela car, premièrement comme nous le savons c’est un nom que les milieux financiers mondiaux connaissent, en qui ils ont confiance et préfèrent. Mais pas seulement : en Turquie, ceux qui ont fait exister l’AKP, la fraction dite “les capitaux anatoliens” qui ont entretenu financièrement l’AKP, ont perdu espoir en celui-ci et de la gestion économique de l’AKP, et sont à la recherche d’une alternative. En conséquence, nous savons, entendons, et voyons qu’ils ont un intérêt particulier pour Ali Babacan et son parti. Mais ils ont peur. La peur qui règne en Turquie, à savoir la crainte due au régime autoritaire en place, cet intérêt et ce soutien ne sont très visibles et ne se reflètent pas vraiment. Ce sur quoi Babacan insiste particulièrement. Ils disent que durant le processus de création du parti, de nombreux noms l’ont soutenu dans une certaine mesure, mais ne sont allés au-delà par crainte. Certains ont peur de perdre leur travail, d’autres qu’ils leur arrive quelque chose – ce n’est pas une peur à tord. Il y a des noms que je connais, ou que je sais qui ont, à la dernière minute, renoncé à être parmi les fondateurs. Certains ne veulent pas perdre leur poste à l’université, d’autres ne veulent avoir de problèmes avec leur commerce, etc. Je vois qu’il y a eu des gens qui ont jugé Babacan et son parti suite à ça, ce n’est pas une chose juste. 

C’est bien sûr un problème, mais le problème ici n’est pas Babacan et son parti, la raison de ce problème est le gouvernement et sa lignée autoritaire au lieu d’une démocratie pluraliste.  Et malgré cela – j’avais dit cela pour le parti de l’Avenir, je le dis également pour le parti DEVA – malgré cette atmosphère de peur, ils connaissent beaucoup mieux que nous – beaucoup mieux car ils en faisaient partie jusqu’à peu – et malgré tous les obstacles auxquels ils se sont confrontés, et ceux qu’ils vont devoir affronter, le fait qu’ils aient fondé ces partis est un succès et preuve de courage. Il faut le reconnaitre, mais les choses deviennent un peu plus floues sur la façon dont ils vont perdurer. Ce que j’ai pu voir, le parti DEVA, sous la présidence d’Ali Babacan – que j’ai dit dans la précédente émission, cette fois je veux dire plus catégoriquement – peut ne pas être très puissant dans la Turquie actuelle, mais s’il parvient à tenir debout dans la Turquie d’aujourd’hui et pendant ce temps, réussi à se structurer et répandre leur message via les réseaux sociaux – ce qu’ils disent et ce dont ils sont obligés de faire d’ailleurs – pourront dans la Turquie d’après Erdoğan être une alternative importante, mais faut-il encore qu’ils réussissent à se maintenir. Et tout en se maintenant sur l’échiquier politique, il doit se renforcer, être en mesure de diffuser son message plus largement, et ne pas faire d’erreur grave – ce qui est très simple dans la Turquie d’aujourd’hui de faire des graves erreurs, un choix sur un sujet quelconque peut instantanément mettre fin aux attentes à votre égard. S’il réussit cela, dans la Turquie après Erdoğan – “la Turquie après Erdoğan” est la défaite d’Erdoğan, une Turquie où sa défaite est officielle, à mon avis il a perdu depuis bien longtemps, je le dis toujours, je le répète comme un perroquet, mais permettez-moi de le répéter – le parti de Babacan peut être un parti important au moment où cette défaite est déclarée. 

À partir d’aujourd’hui l’existence de ce parti et sa survie est importante. À l’état actuel, le fait qu’ils aient pu fonder ce parti est un pari réussi. Cela a eu du retard, et ils se sont eux-même moquer de la situation. Par exemple, lorsque j’ai adressé à Babacan la question “Quel est votre calendrier d’organisation ?”, il a répondu en riant “S’il vous plaît, ne me demandez pas de calendrier”. Parce qu’ils ont reçu de sérieuses critiques à ce sujet, mais maintenant cette page semble tournée. Un autre point, j’ai pu rencontrer beaucoup de jeunes hier – c’était le cas lorsque je m’étais rendu à la réunion du parti de l’Avenir, et j’en ai vu plus ici. À vrai dire, ce sont eux qui sont venus se présenter. Des jeunes, des femmes et des hommes – les hommes étaient plus nombreux, les femmes étaient présentes aussi – issus des meilleures universités de Turquie – diplômés ou qui poursuivent leurs études – et j’ai pu remarquer qu’ils ne paraissaient pas très engagés. Ils se disaient intéressés, soucieux, mais je n’en ai pas rencontré beaucoup dire qu’ils sont de ce parti, du parti DEVA. D’ailleurs, deux d’entre eux étaient présents lors de la réunion du parti de l’Avenir, je l’ai compris lorsqu’ils l’ont dit, nous avions discuté à ce moment-là, nous avons discuté cette fois aussi. Certains d’entre eux sont même venus sur place afin de faire leur choix – notamment les jeunes étudiants à l’université d’Ankara. Ces jeunes sont importants car que ce soit pour le parti de l’Avenir ou le parti DEVA, ces partis ne sont des partis auxquels on peut adhérer pour un intérêt à court terme. Dans le cas de ces jeunes, étudiants actuellement dans ces bonnes universités, et qui ambitionnent de faire carrière, s’il était question d’intérêt, il serait plus compréhensible s’ils s’approchaient de l’AKP et du pouvoir. Cela leur aurait permis de bénéficier des bénédictions de ce monde, plus facilement. Mais j’ai pu voir beaucoup de jeunes ayant pris le risque et se rapprocher de ces partis, de ces nouveaux partis empêchés par Erdoğan. C’est évidemment l’un des plus importants avantages de ce parti.

Je sais que Babacan est en contact personnellement avec ces jeunes, j’ai pu le voir là-bas, et il disait qu’il sera persistant dans l’investissement qu’il a fait à ces jeunes. Est-ce qu’il va réussir ? Ici aussi les politiciens expérimentés vont-ils essayer d’empêcher cela ? Nous allons le voir mais en l’état actuel, l’énergie des jeunes et les femmes au sein du parti, semble être l’un des avantages les plus importants de DEVA. Si nous devons récapituler, ce à quoi je m’attendais…comment dire ? Bon nombre de personnes font des commentaires du type “la montagne accouche une souris”. J’ignore sur ce dont ils se basent pour émettre ce commentaire. Bien sûr des noms très brillants, etc. ne sont membres, certains noms mentionnés ne figurent – permettez-moi de préciser à ce sujet : j’ai vu, entendu et appris que Babacan ne voulait pas certains noms. J’ai l’impression qu’ils ne veulent que certains noms prennent le dessus sur le parti. Nous verrons cela avec le temps. Ils ont essayé de faire cela en constituant un comité fondateur composé de membres plus égaux, ce qui peut être plus rationnel, seul le temps nous le dira. Mais je vois que c’est un choix, qui parait  approprié. Oui, le parti tant attendu est enfin fondé. Il se peut que cela n’ait répondu aux attentes de certains, mais s’il n’est pressé, ce parti peut avoir sa place en Turquie. S’ils se précipitent, ce ne sera un parti qui aura beaucoup d’influence.

Comme à l’époque de l’AKP, tout à coup, après l’effondrement d’un système entier, l’ouverture d’une voie. Si ce parti se prépare bien, lorsque la défaite d’Erdoğan sera approuvée, en Turquie une alliance apparaitra comme un choix. Je ne pense pas qu’une personne puisse prendre la place d’Erdoğan. Une alliance aura besoin d’émerger afin de préparer la transition vers la Turquie du lendemain. Ali Babacan et son parti pourront être un élément important de cette alliance. Oui, c’est tout ce que j’ai à dire, bonne journée. 

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