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La nouvelle quête d’Erdoğan: Colombe à l’extérieur, Faucon à l’intérieur

Traduit par Cem Taylan

Une « réforme démocratique » annoncée sans trop d’illusions

Le gouvernement turc évoque depuis quelques temps la nécessité de réformer la justice et la démocratie. Des travaux ont été menés, ils peuvent être annoncés à tout moment. Après examen des projets de réformes par les dirigeants de l’AKP, le président Erdoğan aura le dernier mot. Beaucoup l’ont déjà dit – et je les rejoins: il ne faut pas avoir de grands espoirs vis-à-vis de ces réformes, car la Turquie a besoin d’appliquer correctement ses lois existantes sur la démocratie et la justice – je laisse de côté les lois financières – plutôt que de les réformer. Le premier exemple qui vient aux esprits est le non-respect du caractère contraignant des décisions de la Cour constitutionnelle et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). La question est simple et il n’y a aucune nécessité à faire des réformes: pourquoi ces décisions ne s’appliquent pas ? 

Il est aujourd’hui  très clair, et personne n’essaye de le dissimuler, que le régime ne veut pas que ces décisions s’appliquent. Les cas d’Osman Kavala et de Selahattin Demirtaş en sont des exemples. Les tribunaux et les dirigeants ne reconnaissent pas les décisions prises par les hautes juridictions. Nous nous demandons tout de même quel sera le contenu de ces réformes.

Plutôt qu’un besoin de réformer ses institutions, le régime ressent surtout la nécessité de se montrer réformateur à l’Occident et non pas à l’opinion publique turque. On peut dire en ce sens qu’il s’agit de ‘’fausses réformes’’.  La sphère économique constitue un cas différent, car en cas de non-respect de certains standards et règles économiques internationaux, cela se reflète assez rapidement sous forme de crise économique ou bien par la détérioration d’une crise existante. En revanche, les reculs en termes de justice et de démocratie, les violations de droit, la régression démocratique et la prise de distance avec l’État de droit n’ont pas de retours à court terme. C’est à l’opinion publique turque de réagir à ces dérives et c’est en grande partie à l’occasion d’élections que ces réactions sont exprimées. Pour assurer son contrôle, des discours sur “ la survie de la nation’’ et “la lutte contre le terrorisme’’ sont employés par le gouvernement et des efforts sont fournis pour polariser la société. 

Erdoğan tente d’améliorer son image à l’international

La stratégie d’Erdoğan consiste donc à projeter une image de ‘’colombe de paix’’ à l’international, il cherche à dessiner un profil pacifiste, qui se tient à l’écart de toutes confrontations et qui cherche à résoudre des problèmes plutôt que d’en créer. C’est en tout cas l’image qu’il veut projeter. En revanche, sur le plan national, il se montre plutôt ‘’faucon’’ -symbole de l’intransigeance en politique-, mettant la survie et les intérêts de l’État et du régime avant tout, en imposant cela au peuple, en rejetant toutes négociations civiques et en privilégiant la polarisation plutôt que d’avoir recours à des voies démocratiques, et ce, afin de contourner les vrais problèmes. 

Rentrons dans les détails: suite à une pause, les négociations ont reprises entre la Grèce et la Turquie à propos de la crise actuelle entre les deux pays. Les photos qui ont été prises lors de ce sommet donnent l’image d’une Turquie prête à négocier et ouverte au dialogue et c’est bien évidemment une bonne nouvelle. 

J’ignore si un accord sera conclu entre les deux parties, mais on se contente déjà de la reprise des négocations. De la même façon, la Turquie est régulièrement en dialogue avec l’Union Européenne; dernièrement, le ministre des affaires étrangères turc Mevlüt Çavuşoğlu a été en contact avec ses homologues européen.ne.s et il annonce souvent de bonnes nouvelles en ce qui concerne les relations avec l’Europe. Il a même annoncé, longtemps après, la reprise des négociations avec l’UE pour la libre circulation des personnes. L’ex-premier ministre Ahmet Davutoğlu en faisait souvent la promesse, mais ça n’a bien sûr jamais abouti; je ne pense pas qu’à l’heure actuelle le résultat sera différent, mais au moins le sujet est de nouveau abordé et l’UE essaye de rester la plus souple possible face à la Turquie par crainte qu’elle se distancie. Une amélioration des relations turco-israéliennes et la renomination réciproque des ambassadeurs  étaient également d’actualité, mais cela à connu des obstacles. 

Le journal anglais The Times a récemment publié un dossier à ce sujet. Selon ce dossier très détaillé, des militants du Hamas habitant en Turquie depuis longtemps (certains d’entre eux ayant même acquis la nationalité turque) feraient l’objet de restrictions juridiques. L’article ne dit 

pas clairement que l’État turc bloque toutes les activités du Hamas en Turquie, mais souligne tout de même que “des restrictions sont apportées afin de limiter leur liberté d’action et elles sont bien évidemment conçues dans une perspective d’améliorer à nouveau les relations avec Israel’’. Les détails de l’article sont intéressants; j’ignore à quel point ils sont exacts, mais ils ne sont pas surprenants. La question des États-Unis reste cependant peu claire, la mauvaise nouvelle est arrivée pour Erdoğan: Trump a perdu les élections et le gouvernement Biden a commencé à prendre les choses en main. Ce n’est pas encore le tour de la Turquie, mais l’expression de “soi-disant allié turc’’ prononcée par le ministre des affaires étrangère Blinken lors d’une audience au Sénat en donne les signaux. 

L’équipe de Joe Biden ne fait pas les affaires d’Erdoğan

Par ailleurs, il est intéressant de voir que des personnes qui connaissent très bien la Turquie occupent des postes clefs dans la nouvelle administration américaine. Parmi ces administrateurs, le nom de Brett McGurk est très souvent mentionné; il a été le coordinateur entre les États-Unis et le YPG en Syrie et la Turquie était fermement contre à sa nomination. Un deuxième nom qui vient aux esprits est Eric Edelman, ancien ambassadeur américain à Ankara, qui a été sévèrement critiqué par l’AKP à maintes reprises. Son bras droit de cette époque, Nancy McEldowney, est actuellement conseillère à la sécurité nationale de la vice-présidente Kamala Harris. Dans la vie politique américaine, c’est traditionnellement le vice-président qui s’occupent de la politique extérieure plutôt que le président. C’était le cas pour Biden pendant les années Obama; Kamala Haris dispose à présent d’une conseillère qui connaît très bien la Turquie et qui parle même le turc. Ce qui est encore plus intéressant c’est que son assistant, Philip Gordon, a également une parfaite connaissance de la Turquie, a rédigé un ouvrage sur la Turquie avec Ömer Taşpınar – avec qui je prépare l’émission hebdomadaire « Transatlantique » . Il était chargé de la Turquie pendant qu’il travaillait au ministère des affaires étrangères sous l’administration Obama. Ces trois noms, qui sont les plus frappants parmi d’autres, nous annoncent que la Turquie sera d’actualité dans la nouvelle administration Biden, non seulement à propos de ses relations avec la Russie, mais également dans les domaines de la démocratie et de l’État de droit. 

On peut supposer que très prochainement, des promesses de paix et de démocratie seront également faites à Washington après l’Union Européenne. L’amélioration des relations avec Israël va dans ce sens. Or pendant que la Turquie essaye de rectifier son image internationale, la polarisation, la négligence des partis d’opposition et les injures ne cessent pas sur le plan national. Citoyens, journalistes et hommes politiques sont battus dans les rues, et certains sont menacés de mort selon les allégations du député du Parti de l’Avenir Selçuk Özdağ, récente victime d’une attaque dans la rue. Le gouvernement garde par ailleurs le silence face à ces actes de violence et n’en condamne aucun; au contraire, le chef du MHP Devlet Bahçeli a accusé le député d’avoir organisé une mise en scène pour paraître comme victime. En termes de système judiciaire, la Turquie est loin d’être un État de droit. La justice est sous influence totale du gouvernement. Le récent parachutage d’Irfan Fidan à la Cour Constitutionnelle en témoigne. Le régime ressent donc une nécessité et une obligation de se montrer ‘’mignon’’ sur la scène internationale mais pas sur le plan national. 

Une dichotomie difficile a assumer sur le long terme

La question à se poser est la suivante: dans quelle mesure cette dichotomie du régime va être prise au sérieux par les dirigeants occidentaux et l’opinion publique occidentale ? Ne voient-ils pas que le régime turc qui se comporte de façon amicale avec l’Occident reste très autoritaire en ce qui concerne ses affaires domestiques? Ils le voient et le savent. Ils savent que la libération de Selahattin Demirtaş et d’Osman Kavala est une contrainte judiciaire. 

L’Union Européenne s’est récemment exprimé sur le sujet en rappelant ‘’qu’elle ne demande rien à la Turquie car la décision juridique est contraignante’’. 

Ils sont bel et bien au courant de ce qui se passe en Turquie, mais ils acceptent ce double jeu dans une certaine mesure et c’est le gouvernement turc qui se soucie le plus de savoir jusqu’où ses actions seront acceptées par l’Occident. 

En fin de compte, de plus en plus de dirigeants au sein de l’AKP se rendent compte aujourd’hui que le non-respect de la démocratie et la prise de distance avec l’État de droit met en danger la survie du régime. Ces personnes revendiquent à l’heure actuelle le respect par le gouvernement des décisions de la CEDH et de la Cours constitutionnelle. Ils utilisent les décisions prises par ces deux institutions comme des boucliers et veulent affaiblir cette alliance non-démocratique que constituent Erdoğan et Devlet Bahçeli. En réponse à cela, Erdoğan assure ses partisans de pouvoir contrôler la Cour constitutionnelle à travers des nominations. D’autre part, des conseillers du régime comme Mehmet Uçum répètent à plusieurs reprises que ‘’les décisions de la CEDH ne sont pas contraignantes et que les intérêts nationaux priment’’. Ces revendications n’ont aucun fondement juridique au regard du droit international, mais elles montrent qu’il y a des désaccords au sein du parti. Certains cadres du parti désirent ainsi que le gouvernement projette l’image de la colombe de paix également en Turquie et insistent que c’est la seule voie à poursuivre. Ils n’arrivent cependant pas à trouver une façon d’exprimer leurs souhaits sans nuire à Erdoğan et ce dernier n’est pas un homme politique qui a besoin d’être convaincu car il est déjà au courant de la réalité des choses; mais il choisit de jouer à ce double jeu pour le moment. Il pourrait éventuellement être contraint à renoncer à cette stratégie. Ce tournant ne parviendra certainement pas du jour au lendemain, mais Erdoğan pourrait admettre que c’est la fin de la route. Mais quand ce jour viendra, est-ce qu’il sera possible de faire marche arrière ? Je n’en suis pas certain.

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